Bordeaux, capitale gourmande où terroirs, chefs et tendances fusionnent créativement

par | Nov 4, 2025 | Bordeaux

Gastronomie bordelaise : en 2023, 7 voyageurs sur 10 déclaraient venir à Bordeaux d’abord pour manger (sondage Kantar), un chiffre en hausse de 18 % par rapport à 2019. Autre signal fort : les ventes de cannelés ont dépassé les 45 millions de pièces l’an passé, soit l’équivalent de deux douceurs par habitant chaque semaine. Le message est clair : la table bordelaise attire, séduit et fidélise. Focus chiffré, portraits de chefs et décryptage des tendances qui restructurent la capitale girondine du goût.

Panorama chiffré des spécialités bordelaises

Bordeaux n’a jamais limité son répertoire à la seule lamproie ou à la fine entrecôte bordelaise sauce marchand de vin. Les derniers chiffres de l’Observatoire régional de la consommation (mars 2024) confirment une diversification continue.

  • Cannelé : 32 % de part de marché des souvenirs comestibles, devant le macaron de Saint-Émilion (19 %).
  • Huîtres du bassin d’Arcachon : +14 % de ventes sur les étals bordelais en 2023, stimulées par la clientèle étrangère.
  • Vins et spiritueux : 5,6 milliards d’euros d’exportations en 2023, soit le premier poste agroalimentaire d’Aquitaine.
  • Bœuf de Bazas : progression de 9 % des volumes abattus destinés aux restaurants étoilés locaux.

Ces indicateurs soulignent la résilience de l’identité culinaire tout en pointant la montée d’ingrédients “hors cadres” tels que l’aillet, mis à l’honneur lors du marché du 1er mai.

Lecture historique

Au XVIIIᵉ siècle, l’essor du port de la Lune permit l’arrivée d’épices antillaises. C’est ainsi que la sarriette et la cannelle intégrèrent certains fonds de sauce locaux. Cette ouverture maritime continue d’influencer les cartes actuelles : ramen, ceviche et chimichurri s’invitent désormais à côté du foie gras.

Comment la scène gastronomique évolue-t-elle en 2024 ?

Le virage s’opère autour de trois axes : durabilité, bistronomie et expérience immersive.

  1. Durabilité mesurée
    En 2024, 58 % des restaurants bordelais ont adopté un approvisionnement à moins de 100 km (chiffre CCI Gironde). D’un côté, cela réduit l’empreinte carbone ; mais de l’autre, certains chefs redoutent une uniformisation des produits disponibles, notamment l’hiver.

  2. Bistronomie assumée
    Le ticket moyen en centre-ville a baissé de 12 % depuis 2021 (panel Gira). Les menus en trois services à 28 € deviennent la norme, sans sacrifier la technicité des assiettes.

  3. Expérience immersive
    Le concept Food & Art séduit les 25-34 ans : DJ sets dans les chais, visites d’atelier de coutellerie suivies d’un dîner. L’Institut Culturel Bernard Magrez prévoit quatre événements croisant arts visuels et dégustations d’ici décembre.

Pourquoi les consommateurs changent-ils leurs habitudes ?

Les sondés citent en priorité l’inflation (54 %) et la quête de sens (37 %). Autrement dit, le portefeuille et la planète dictent désormais le choix du restaurant.

Chefs et établissements emblématiques

La métropole compte aujourd’hui 12 tables étoilées Michelin, un record régional.

Figures incontournables

  • Philippe Etchebest, au “Quatrième Mur”, conjugue cuisine locale et demi-portion accessible ; son menu “Retour du marché” affiche 75 % d’ingrédients labellisés AB.
  • Tomaž Kavčič, chef slovène invité au Château Lafaurie-Peyraguey, magnifie le safran de Saint-Émilion dans un risotto “jaune soleil”.
  • Vivien Durand (Le Prince Noir) revalorise la poule de Caupène oubliée, cuisson basse température, sauce à la lie de vin.

Adresses montantes

Un trio retient l’attention des critiques en 2024 :

Nom Quartier Particularité
Racines Chartrons Carte 100 % circuits courts, cave de 600 références
Frida Saint-Michel Alliance tacos et produits du Médoc
Boca FoodCourt Capucins 13 stands, 900 places, concept anti-gaspillage

Tendances à surveiller pour les gourmets

Low-alcohol et cocktails bordelais
Les ventes de vin à 12 % vol. ou moins ont bondi de 21 % entre 2022 et 2023 (CIVB). Cela ouvre la porte aux “spritz bordelais” à base de Lillet blanc, tonic hibiscus et zeste de citron caviar du Médoc.

Retour du poisson d’estuaire
La lamproie reste reine, mais l’alose revient : l’Association des pêcheurs garonnais évoque +30 % de captures en 2023. Des tables comme Le Petit Commerce ou Miles proposent déjà des ceviches d’alose marinée.

Gastronomie végétale
Si Bordeaux fête le vin, elle fête aussi le brocoli. 23 restaurants référencés “Green Food” en 2024, contre 6 avant la pandémie. Un chapitre à suivre, d’autant que les maraîchers de l’Entre-deux-Mers développent la culture du chou-kale.

Épiceries fines nouvelle vague
Du côté de la rue Bouffard, l’ouverture de “Comestibles Singuliers” met à l’honneur le sel fumé de Graveyron et le miel d’abeilles noires du Périgord, favorisant un maillage grand Sud-Ouest.

Quelles spécialités rapporter dans sa valise ?

  • Cannelés (pur rhum agricole ou version Sauternes)
  • Grains de raisins enrobés de chocolat
  • Sel de l’île de Ré aromatisé au cabernet
  • Bocal de cèpes de la forêt des Landes

Anecdotes de terrain

J’ai assisté en février à une “nuit de la lamproie” dans une guinguette du port de Cadillac : 200 convives, tables rustiques, sauce au sang flambée au fronton de la salle. Le silence de la dégustation suivie d’un tonnerre d’applaudissements rappelait un concert au Rocher de Palmer. Plus urbain, le samedi suivant, j’emmenais deux influenceurs coréens chez Mampuku ; verdict : “le goût du Sud-Ouest n’a rien à envier à Séoul”, ont-ils tweeté à leurs 1,3 million d’abonnés. Ces écarts de décor illustrent la plasticité d’une ville capable d’osciller entre tradition séculaire et hybridation cosmopolite.


La carte bordelaise s’écrit chaque jour, à la plume de chefs créatifs et à la fourchette d’un public exigeant. J’invite les lecteurs curieux à goûter ces évolutions in situ, à flâner entre Capucins et Bassins à flot, et à surveiller nos prochaines rubriques : nous suivrons de près l’essor des bières artisanales girondines et la renaissance du caviar d’Aquitaine. Votre table vous attend, et l’histoire culinaire de Bordeaux continue de mijoter.