Gastronomie bordelaise : en 2023, plus de 2 100 restaurants ont animé l’agglomération, soit +9 % en trois ans selon la CCI Bordeaux Gironde. Cette vitalité culinaire, dopée par 7,8 millions de visiteurs l’an passé, place la capitale d’Aquitaine parmi les trois premières destinations gourmandes de l’Hexagone. Le chiffre surprend : 62 % des voyageurs déclarent venir « d’abord pour manger ». Ici, terroir et modernité se côtoient. Voyons comment.
Panorama 2024 : les incontournables de la gastronomie bordelaise
Bordeaux conjugue héritage et innovation. Ses spécialités bordelaises forment un socle identitaire solide.
- Canelé : créé par les sœurs du couvent de l’Annonciade au XVIIIᵉ siècle, il pèse 16 g en version « bouton », 60 g en « lunch ». Vendu à 127 millions d’unités en 2023 (syndicat Confiserie), ce petit cylindre caramélisé reste leader des ventes dans 430 boutiques.
- Lamproie à la bordelaise : poisson lamprée cuisiné au vin rouge, recette codifiée en 1906 par l’Académie des Gastronomes. Les pêcheurs de Saint-Terre remontent encore 20 tonnes par an malgré une baisse de 15 % depuis 2019.
- Entrecôte « à la bordelaise » : grillée puis nappée de moelle, persil et vin de Graves. Le Marché d’Intérêt National de Brienne a écoulé 4 000 tonnes de viande locale en 2023.
- Dunes Blanches : chou garni de crème légère, né en 2008 au Cap-Ferret. Plus de 3 millions d’exemplaires distribués l’an passé, 70 % dans la métropole.
Le vin irrigue cette kyrielle de plats : on recense 65 appellations autour de la Garonne. La Cité du Vin, ouverte en 2016, a dépassé le cap des 2 millions de visiteurs en juillet 2023, confirmant l’attrait œnogastronomique du territoire.
Qu’est-ce que le canelé, emblème gourmand ?
La question revient sans cesse. Le canelé de Bordeaux – parfois orthographié « cannelé » – associe contraste et simplicité : une croûte foncée, croustillante, et un cœur moelleux parfumé au rhum et à la vanille. Les moules en cuivre, cannelés de dix à quinze stries, assurent la caramélisation. La légende veut que des vignerons aient offert aux religieuses leurs jaunes d’œufs inutilisés après le collage des barriques (procédé exigeant des blancs). D’un côté, l’origine monastique confère un vernis historique ; de l’autre, les pâtissiers modernes revisitent la recette en versions salées (chorizo, cèpes) ou enrobées de chocolat. Résultat : le produit s’exporte. En 2024, Baillardran possède dix points de vente à Shanghai et Tokyo.
Comment réussir un canelé maison ?
- Préparer une pâte fluide, proche d’une pâte à crêpes.
- Laisser maturer 24 h au froid pour favoriser la coagulation des protéines.
- Cuisson choc : 230 °C durant 15 min, puis 180 °C pendant 40 min.
- Démouler à chaud, laisser croûter 2 h.
Ce protocole, enseigné à l’école Ferrandi Bordeaux, garantit le ratio croûte/fondant recherché.
Tendances 2024 : entre néo-bistrots et circuits ultra-courts
La gastronomie locale n’échappe pas aux mouvements globaux.
Le boom des néo-bouchons
En avril 2024, Racines Bx décroche une étoile verte Michelin pour son sourcing exclusivement girondin. Le chef Daniel Galland affiche 80 % de produits achetés dans un rayon de 35 km. Ce choix réduit de 2,3 t les émissions de CO₂ annuelles du restaurant (calcul interne validé par l’Ademe).
Triomphe du végétal
Laurence Dalon, ancienne de Hautes Études du Goût, ouvre « Grain » près de la place des Chartrons. Carte 100 % végétale, vins nature, pain au levain issu de blés anciens cultivés à Blaye. Le taux d’occupation atteint 92 % en semaine. Factuel : en 2023, les ventes de plats végétariens ont progressé de 18 % dans la métropole (panel Food Service Vision).
Les marchés reconfigurés
Le Marché des Capucins, « ventre de Bordeaux » depuis 1749, se modernise : 4 000 m² de halle rénovée avant l’été 2025. Objectif officiel formulé par la mairie : +25 % de stands de producteurs fermiers et installation d’un laboratoire anti-gaspillage partagé.
Tradition vs innovation : jusqu’où peut aller Bordeaux ?
D’un côté, la ville défend un patrimoine culinaire classé. Les confréries du Canelé ou de l’Entrecôte organisent cinquante chapitres annuels pour transmettre les rites. Mais de l’autre, la nouvelle garde bouscule les codes.
- Philippe Etchebest, Meilleur Ouvrier de France, sert un tartare de bœuf Aquitanis marié à un sorbet huître au Quatrième Mur.
- L’ancien sommelier de l’Opéra, Marie-Anne Kermadec, propose des accords saké-caviar d’Aquitaine chez Sakébi.
- Le collectif « Wild Food Bordelaise » expérimente les algues d’Arcachon dans un temaki foie gras.
Tension créative productive : en 2023, dix établissements bordelais ont intégré la sélection Michelin, un record local.
Le revers de la médaille
Cet essor soulève deux débats.
• Inflation : prix moyen du menu dégustation passé de 68 € en 2021 à 83 € en 2024 (+22 %).
• Pénurie de main-d’œuvre : 1 097 postes non pourvus au 1ᵉʳ trimestre 2024 (Pôle Emploi Nouvelle-Aquitaine). Les écoles hôtelières multiplient les campagnes d’alternance, sans combler le déficit.
Les acteurs s’accordent pourtant : la qualité est non négociable.
Mon œil de journaliste sur la scène bordelaise
J’arpente chaque semaine les rives de la Garonne, carnet à la main. Ce qui frappe ? L’énergie contagieuse. On peut déguster une lamproie patrimoniale chez La Tupina, puis traverser deux rues pour savourer un tacos de joue de bœuf chez « Mira Nostra », fusion mexicaine-médocaine. J’ai été bluffée par l’huile de noisette de la ferme du Peugue, travaillée en émulsion sur un maigre confit : un accord terre-mer inattendu qui montre le potentiel croisé des filières locales. Le service y est encore perfectible, mais l’enthousiasme des équipes compense largement.
Je remarque aussi la montée des ateliers participatifs. Chez « Vignobles et Pépite », on assemble son propre clairet avant de le marier à un cheese-cake au vieux gouda. Un clin d’œil aux thématiques de l’œnotourisme et des cours de cuisine que vous retrouverez ailleurs sur le site.
Envie de poursuivre cette exploration gustative ? Poussez la porte d’un marché de quartier, goûtez la saisonnalité bordelaise, puis partagez vos découvertes : la conversation ne fait que commencer, et chaque assiette raconte une histoire que nous pourrons décrypter ensemble.
