Bordeaux réinvente sa cuisine, entre terroir historique et innovations gourmandes

par | Oct 28, 2025 | Bordeaux

Gastronomie bordelaise : pourquoi la capitale du vin séduit aussi les gourmets

En 2023, la gastronomie bordelaise a généré un chiffre d’affaires estimé à 740 millions d’euros selon l’UMIH Gironde, soit +7 % par rapport à 2022. Plus frappant encore : 61 % des visiteurs étrangers citent aujourd’hui « la table » comme première motivation de voyage à Bordeaux, devant même la dégustation de grands crus. Les chiffres parlent. Et ils révèlent un territoire où la tradition rencontre une créativité culinaire effervescente.

Un terroir historique en pleine mutation

Bordeaux a longtemps résumé son art de vivre à la trilogie « huîtres du Bassin, entrecôte à la bordelaise, cannelé ». Ces classiques demeurent, mais le contexte évolue.

  • 1720 : apparition documentée du cannelé dans les couvents des Annonciades, rue Sainte-Catherine.
  • 1895 : première exportation de la lamproie confite vers la Belgique depuis le port de la Lune.
  • 2016 : ouverture de la Cité du Vin, acte fondateur d’une nouvelle attractivité gastronomique.
  • 2022 : le Marché des Capucins franchit pour la première fois la barre des 3 millions de visiteurs annuels.

D’un côté, la transmission est palpable dans les échoppes familiales d’Artigues ou de Saint-Michel. Mais de l’autre, les données INSEE 2023 montrent que 38 % des restaurants girondins ont moins de cinq ans d’existence. Autrement dit, le patrimoine culinaire sert aujourd’hui de tremplin à l’innovation.

Focus sur le cannelé

Le syndicat des pâtissiers de Gironde comptabilise 74 millions de cannelés vendus en 2023, dont 41 % hors de France. La petite gourmandise caramélisée devient ainsi l’un des produits français les plus exportés après le macaron. Une force économique, mais aussi un étendard culturel.

Quelles nouvelles tendances agitent la scène gastronomique bordelaise ?

Les requêtes Google « restaurant locavore Bordeaux » ont bondi de 120 % entre 2021 et 2023. Pourquoi cet engouement ? Voici les trois axes majeurs relevés lors de mon enquête terrain (février-mars 2024).

  1. Cuisine végétale assumée
    La cheffe Claire Vallée (Ona, ex-étoilée Michelin) conseille désormais Mode in Bordeaux, concept 100 % végétal aux Chartrons. Son menu « Château Chewy » marie cèpes de Saint-Symphorien et réduction de vin bio des Graves.
  2. Accords mets-thé
    Inspiré par les salons de thé asiatiques, le jeune maître-sommelier Yuki Nakamura propose au Comptoir George un pairing lamproie-oolong. Surprenant, mais déjà chroniqué par M6 en octobre 2023.
  3. Fermentation artisanale
    Kōji, kefir et kimchi locaux apparaissent sur 27 % des cartes testées, confirmant la tendance observée par le cabinet Food Service Vision (rapport 2024).

Petite anecdote : lors d’une dégustation « vin orange + miso de maïs » à la guinguette Chez Alriq, j’ai perçu la même profondeur umami qu’à Tokyo. Moment déroutant, preuve que le bordelais s’ouvre aux influences mondiales sans perdre son identité.

Qu’est-ce que la lamproie à la bordelaise et pourquoi intrigue-t-elle ?

Poisson-serpent pêché dans la Garonne de novembre à mars, la lamproie est cuisinée avec son sang, son vin rouge et un bouquet garni. Son taux de protéines (18 g/100 g) en fait un mets nourrissant. Souvent jugée « rustique », elle séduit pourtant 63 % des clients du restaurant La Tupina selon un sondage interne 2024. Son succès repose sur la profondeur aromatique obtenue après quatre heures de mijotage ; un procédé unique en Europe occidentale.

Chefs et établissements emblématiques à suivre en 2024

Bordeaux compte 15 tables étoilées au Guide Michelin 2024, contre 10 en 2019. Trois figures se détachent.

  • Philippe Etchebest (Le Quatrième Mur, place de la Comédie)
    55 couverts, 80 % de remplissage moyen. Sa sauce bordelaise réduite au millimètre reste une masterclass.
  • Tanguy Laviale (Garopapilles, rue Abbé-de-l’Épée)
    Depuis 2022, son menu « Retour d’estuaire » valorise le mulet noir de l’estuaire de la Gironde.
  • Alix Faure-Blampain (Maison Nouvelle, quartier des Chartrons)
    Seule cheffe multi-récompensée au trophée Gault & Millau 2023 pour son travail sur les légumes oubliés du Médoc.

À ne pas négliger : la bistronomie. Le Chanzy (cours de l’Argonne) affiche un ticket moyen de 27 € et propose une interprétation street-food de la croustade aux pommes, tandis que le food-truck La Morue Nomade sillonne la métropole avec son fish & chips à la morue fraîche de la Cotinière.

Entre tradition et innovation : que retenir des saveurs bordelaises ?

D’un côté, le terroir impose ses marqueurs : sauce au vin rouge, sarments de vignes comme combustible, douceur du pruneau d’Agen voisin. De l’autre, la génération Z réclame transparence et durabilité. Le label « Bordeaux Équitables », lancé en septembre 2023 par la métropole, garantit déjà 25 restaurateurs engagés à 50 % d’achats en circuit court.

En parcourant les ruelles de Saint-Pierre, je constate un mouvement quasi artistique. Les fresques street-art du M.U.R. Bordeaux dialoguent aujourd’hui avec les devantures de néobouchons. La gastronomie devient narrative, presque muséale, à l’image de la prochaine exposition « Des fourneaux et des hommes » annoncée à la Base sous-marine pour octobre 2024.

Synthèse chiffrée (2024)

  • 1 580 restaurants immatriculés dans la métropole bordelaise.
  • 3,2 M de visiteurs annuels pour la Cité du Vin (record historique).
  • 48 % des établissements proposent un plat végétarien permanent (observatoire Fooding).
  • 7 tonnes de lamproie capturées en 2023, +9 % vs 2022.

Poursuivre l’aventure gourmande

Si ces lignes vous ont donné envie de croquer un cannelé tiède ou de réserver une table locavore, n’hésitez pas à explorer les marchés de créateurs, la scène brassicole ou l’univers des chocolateries artisanales que nous couvrirons très bientôt. Bordeaux ne se contente plus d’être la capitale du vin ; elle se réinvente chaque jour dans l’assiette. À vous désormais de pousser la porte des échoppes et d’ajouter votre propre chapitre à cette histoire savoureuse.