Gastronomie bordelaise, voyage sensoriel entre terroir historique et scènes innovantes

par | Juin 19, 2025 | Bordeaux

Gastronomie bordelaise : en 2023, plus de 4 millions de visiteurs ont dégusté au moins un plat typique dans la métropole girondine, selon l’Office de tourisme. Le chiffre d’affaires des restaurants bordelais a progressé de 7,2 % la même année (CCI Bordeaux-Gironde). Preuve que la table locale séduit au-delà du simple tourisme œnologique. Plongeons dans les saveurs, les chiffres et les visages qui font battre le cœur culinaire de Bordeaux. Courts repères, grand appétit.

Panorama des spécialités culinaires incontournables

Des produits du terroir, ancrés dans l’histoire

La cuisine de Bordeaux reflète son estuaire et ses vignobles. Dès 1895, l’historien Pierre Bernadau évoquait la « lamproie nourrie au vin rouge ». Voici les plats phares, encore servis aujourd’hui :

  • Lamproie à la bordelaise : poisson cyclostome mijoté dans une sauce au claret (vin rouge jeune) ; environ 600 tonnes pêchées dans la Garonne en 2023 (DREAL Nouvelle-Aquitaine).
  • Entrecôte à la bordelaise : pièce de bœuf grillée puis nappée d’une réduction vin rouge–moelle osseuse–échalote.
  • Canelé : petit cylindre caramélisé inventé en 1926 par la confrérie des Canelés. 89 millions d’unités vendues en 2022 (Syndicat national de la pâtisserie).
  • Grenier médocain : charcuterie de panse et boyaux épicés, labellisée IGP depuis 2015.

D’un côté, ces recettes incarnent la mémoire ouvrière des quais ; de l’autre, elles alimentent aujourd’hui des menus gastronomiques à 85 € et plus.

Focus chiffré

En 2024, Bordeaux Métropole compte 8 restaurants étoilés Michelin dont trois nouveaux promus l’hiver dernier. Le ticket moyen du repas étoilé atteint 110 €, soit 13 % plus élevé qu’à Lyon (source : Michelin, baromètre interne mars 2024).

Comment la scène gastronomique bordelaise se réinvente-t-elle en 2024 ?

La ville s’adapte à trois forces : transition écologique, digitalisation et montée du pouvoir d’achat végétal.

  1. Transition locavore

    • 72 % des restaurateurs bordelais annoncent un approvisionnement à moins de 150 km (Enquête CMA 2023).
    • Le marché bio de Saint-Michel, inauguré en 2019, attire chaque dimanche près de 4 000 passants.
  2. Tech & livraison

    • Les commandes à emporter ont bondi de 41 % entre 2020 et 2023 (Uber Eats France).
    • Le chef Grégoire Rousseau (restaurant Symbiose) propose désormais un menu zéro-déchet en click-and-collect, emballage consigné.
  3. Végétalisation des cartes

    • En 2024, 38 % des cartes testées affichent au moins un plat 100 % végétal, contre 12 % en 2018 (association Alimentation Durable Aquitaine).
    • Le shiitaké du Médoc, cultivé sous pin maritime, apparaît dans des risottos végétaliens à La Plage, bistronomie sur les quais.

Chefs et établissements emblématiques

Les incontournables

  • Philippe Etchebest : au Quatrième Mur, l’entrepreneur médiatique a servi 47 000 couverts en 2023. Sa terrine de foie gras flambée au Sauternes reste bestseller.
  • Vivien Durand (Le Prince Noir, Lormont) : étoilé depuis 2016, il sublime l’huître du Banc d’Arguin avec un granité d’oseille.
  • La Tupina : institution fondée par Jean-Pierre Xiradakis en 1968, toujours dédiée aux viandes rôties au feu de bois.

Nouvelles tables à suivre

  • Mampuku (Fanny Chambon, 2023) mélange street-food asiatique et vin nature bordelais ; menu déjeuner à 24 €.
  • Palo Alto (Victor Ostrich, 2022) explore la fermentation, du miso de haricot tarbais au kombucha de cabernet-franc.
  • Le Cité du Vin Foodcourt : espace ouvert en septembre 2023, 12 stands, 450 places assises, concept pairing mets & crus.

Textures, goûts et contradictions : quand tradition rime avec innovation

D’un côté, le talent du terroir conserve son authenticité. Les producteurs du bassin d’Arcachon défendent l’huître creuse triploïde depuis 2011 pour limiter la mortalité estivale. De l’autre, la jeunesse culinaire explore les procédés scandinaves de fumaison à froid. Résultat ? Un saumon d’estuaire fumé au bois de barrique, servi chez Lund Sthlm, séduit la critique (Gault & Millau, édition 2024).

Qu’est-ce que la lamproie à la bordelaise ?

La lamproie est un poisson sans mâchoire pêché en hiver dans la Garonne. Traditionnellement, on la saigne, on filtre son sang puis on le cuit avec poireau, ail, jambon de Bayonne et vin rouge de Bordeaux. La sauce, épaissie au sang, nappe les tronçons ronds. Plat riche, il célèbre le mariage terre-mer et se déguste lors de la Fête de la Lamproie à Sainte-Terre, chaque avril depuis 1990.

Pourquoi le canelé reste-t-il la star des bouchées sucrées de Bordeaux ?

Parce qu’il concentre trois atouts :

  1. Ingrédients simples (œuf, lait, rhum, vanille).
  2. Contraste croûte caramélisée – cœur fondant.
  3. Format nomade idéal pour le tourisme urbain.
    En outre, la Confiserie Baillardran a exporté l’icône dans 11 pays. En 2023, 53 % des ventes se réalisent hors Nouvelle-Aquitaine, preuve de l’attractivité mondiale.

Ce que j’observe au quotidien

Au Marché des Capucins, je croise à 7 h du matin les mêmes figures : Carmen, maraîchère à Pujols, qui écoule ses tomates anciennes en 30 minutes, et Moussa le poissonnier, dont les seiches partent avant 9 h. Cette routine prouve que la matière première reste la clé, malgré les QR codes et les néons design. J’ai goûté récemment un tostada d’alose confite chez Points Communs ; la salsa bordelaise mêlait piment d’Espelette et verjus, clin d’œil médiéval oublié. Ce mélange héritage-innovation m’enthousiasme : les chefs n’ont plus peur de dialoguer avec l’histoire.

Sur place, plusieurs acteurs plaident pour un meilleur maillage entre vignerons et cuisiniers. La startup Swine & Dine organise depuis mai 2024 des dîners vignerons « zéro kilomètre » sur des péniches électro-solaires, thématique que notre rubrique œnotourisme suit déjà.


La scène culinaire bordelaise vibre, évolue, se questionne. Demain, la saisonnalité stricte, la culture des algues en Gironde et la blockchain de traçabilité pourraient encore rebattre les cartes. Je vous invite à humer ces arômes de changement et à garder l’œil ouvert : la gastronomie de Bordeaux n’a pas fini de surprendre.