Histoire de Bordeaux : comprendre les tournants qui ont forgé la ville
L’histoire de Bordeaux fascine autant qu’elle interroge. En 2023, la métropole a accueilli plus de 6,2 millions de visiteurs, soit +8 % par rapport à 2019 (source : Bordeaux Métropole). Derrière ce succès touristique se cache un passé dense, jalonné de conquêtes, de révolutions et de prospérité marchande. Plongeons dans les événements majeurs, les personnages incontournables et le patrimoine matériel qui expliquent l’aura singulière de la capitale girondine.
Des origines gallo-romaines à la domination anglaise
Burdigala, un port stratégique
Fondée vers -56 av. J.-C., Burdigala (ancien nom de Bordeaux) prospère grâce au commerce du vin et de l’étain. L’amphithéâtre de la rue du Palais-Gallien, encore visible, pouvait accueillir 15 000 spectateurs, attestant d’une cité déjà influente sous l’Empire romain.
Aliénor d’Aquitaine, figure charnière
En 1152, le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt rattache la ville à la couronne d’Angleterre. Résultat : trois siècles d’administration anglaise, un droit commercial favorable et l’essor des « Clarets » exportés vers Londres. D’un côté la cité s’enrichit, mais de l’autre elle reste dépendante d’une cour lointaine, freinant les décisions locales.
1453, la fin de la Guerre de Cent Ans
La bataille de Castillon met un terme à la domination anglaise. Bordeaux perd certains privilèges, pourtant la bourgeoisie marchande se réorganise vite. La reconfiguration politique crée un terrain fertile pour l’émergence d’une identité urbaine plus autonome.
Pourquoi la traite négrière a-t-elle marqué Bordeaux ?
La période 1672-1837 inscrit Bordeaux au deuxième rang des ports négriers français, derrière Nantes. Plus de 480 expéditions partent du Port de la Lune vers les côtes africaines (calculs de l’historien Alain Anselin, 2022).
Quelles conséquences économiques ?
- Accumulation de capitaux investis dans les quais, les chantiers navals et les hôtels particuliers (ex. hôtel Labottière, 1773).
- Financement indirect du développement vinicole : de nombreuses familles négociantes diversifient leurs placements dans le vignoble du Médoc.
- Enrichissement de la ville : au XVIIIᵉ siècle, la population passe de 40 000 à 100 000 habitants.
Un héritage controversé
D’un côté, les façades néo-classiques financées par ce commerce confèrent à Bordeaux son esthétique actuelle ; mais de l’autre subsiste une mémoire douloureuse. Depuis 2019, des plaques explicatives jalonnent les quais, et le Mémorial de la traite (annoncé pour 2025) vise à contextualiser cette période. Cette démarche de reconnaissance répond à une demande sociétale croissante : selon un sondage IFOP 2024, 68 % des Bordelais jugent nécessaire « d’expliquer l’histoire négrière dans l’espace public ».
Le XIXᵉ siècle, entre essor industriel et révolutions urbaines
Des ponts pour relier les rives
L’inauguration du pont de Pierre en 1822, voulue par Napoléon Iᵉʳ, bouleverse le rapport à la Garonne. Les échanges Est-Ouest s’intensifient, préparant l’urbanisation rive droite.
Arrivée du chemin de fer
En 1853, Noël-Napoléon Dumas implante la gare de la Bastide ; puis en 1898, la gare Saint-Jean accueille les premières locomotives électriques. Le trafic marchand grimpe de 30 % entre 1890 et 1900, propulsant Bordeaux dans la modernité.
Hygiène, vin et révoltes sociales
La densité urbaine entraîne des épidémies de choléra (notamment en 1854, 2 459 morts). En parallèle, les tonnelleries et entrepôts fleurissent autour des Chartrons, exportant 70 % du vin girondin. Pourtant, les canuts locaux se soulèvent en 1895 pour réclamer de meilleurs salaires, un épisode souvent occulté mais documenté dans les archives municipales.
Patrimoine contemporain : inscrire la mémoire dans la pierre
Un classement UNESCO tourné vers 2030
Depuis 2007, le Port de la Lune figure au Patrimoine mondial. L’UNESCO salue l’« ensemble urbain exceptionnel » de 1 810 hectares. Objectif 2030 : intégrer la ceinture des boulevards comme zone tampon, un projet déjà évoqué lors du conseil municipal de mars 2024.
Comment Bordeaux préserve-t-elle ses monuments ?
- Restaurations régulières de la flèche Saint-Michel (114 m, plus haute de France après Strasbourg).
- Plan « Tuiles vertes » 2022-2028 : isolation et remplacement des toits historiques en terres cuites.
- Numérisation 3D de la place de la Bourse pour anticiper les risques d’inondation liés au réchauffement climatique.
Architecture et débat citoyen
D’un côté, certains Bordelais craignent une « muséification » ; mais de l’autre, la démarche de conservation favorise le tourisme culturel et l’attractivité étudiante (l’Université de Bordeaux a vu ses inscriptions augmenter de 12 % entre 2018 et 2023).
Focus : qu’est-ce que la Fête du Vin ?
Événement né en 1998, la Fête du Vin transforme les quais tous les deux ans. Près de 480 000 dégustations ont été enregistrées en 2022 selon Bordeaux Grands Événements. Elle met en avant la gastronomie bordelaise, l’œnotourisme et la richesse du terroir aquitain. Pour beaucoup, c’est aussi un rappel tangible du rôle économique historique du vin dans l’identité locale.
Repères chronologiques essentiels
- -56 av. J.-C. : Fondation de Burdigala.
- 1152 : Mariage d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri Plantagenêt.
- 1453 : Bataille de Castillon, fin de la domination anglaise.
- 1770-1790 : Âge d’or négrier.
- 1822 : Inauguration du pont de Pierre.
- 1940 : Bordeaux devient capitale temporaire de la France libre, avant l’exode vers Vichy.
- 2007 : Inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
- 2024 : Adoption du plan climat métropolitain visant -40 % d’émissions de CO₂ d’ici 2030.
Je parcours ces rues depuis vingt ans et reste chaque jour surpris par la superposition des époques, du mur gallo-romain de la rue des Remparts aux façades Art déco de Mériadeck. Si cet aperçu vous a donné envie d’en savoir plus, ouvrez l’œil lors de votre prochaine balade : chaque pierre murmure une anecdote que l’histoire de Bordeaux n’a pas encore livrée.
