Bordeaux, récit plurimillénaire entre garonne, néoclassique et créativité contemporaine audacieuse

par | Juin 13, 2025 | Tourisme

Histoire de Bordeaux : en 2023, plus de 6,2 millions de visiteurs ont arpenté les quais de la Garonne, un record selon l’Office de tourisme métropolitain. À la même période, la population intra-muros est passée à 261 804 habitants (estimation INSEE 2024). Ces chiffres confirment l’attraction d’une ville dont la mémoire se lit à chaque pierre. Entrons dans la chronique bordelaise pour percer les secrets d’une cité plus que bimillénaire.

Chronologie éclair de l’histoire de Bordeaux

Bordeaux naît en – 56 av. J.-C. sous le nom de Burdigala. Port fluvial stratégique, la ville s’impose comme carrefour entre l’Atlantique et la Méditerranée.

  • – 1er siècle : construction de l’amphithéâtre de Palais-Gallien (capacité estimée : 15 000 spectateurs).
  • 1152 : mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt ; Bordeaux devient anglaise pour trois siècles.
  • 1453 : bataille de Castillon, fin de la Guerre de Cent Ans ; la couronne de France récupère la ville.
  • XVIIIᵉ siècle : âge d’or du commerce colonial. Les façades néoclassiques de la Bourse datent de 1730-1775.
  • 1802 : inauguration du pont de Pierre voulu par Napoléon Ier, 487 mètres de portée.
  • 1940-1944 : Bordeaux sert de base à la Kriegsmarine, laissant des stigmates toujours visibles.
  • 2007 : inscription du centre historique au patrimoine mondial de l’UNESCO, sous le nom de Port de la Lune.
  • 2024 : lancement du « Grand Projet des Quais rive droite », 450 millions d’euros pour réhabiliter 3,7 km d’anciennes friches industrielles.

Je traverse souvent ces périodes comme on tourne les pages d’un roman, fasciné par la constance du fleuve Garonne, véritable fil conducteur de la ville.

Pourquoi Bordeaux est-elle surnommée le Port de la Lune ?

Qu’est-ce que le Port de la Lune ? La réponse se trouve dans la courbe en croissant que forme la Garonne au cœur de la cité. Les marins du Moyen Âge disaient s’amarrer « à la lune ». L’expression est restée, jusqu’à devenir la marque identitaire du centre-ville classé par l’UNESCO.

De l’autre côté, quelques historiens avancent une origine héraldique : le blason municipal arbore un croissant argenté depuis 1790. Mais les archives municipales confirment surtout l’usage populaire du terme dès le XVᵉ siècle. Aujourd’hui, la municipalité labellise « Quartier du Port de la Lune » les 347 hectares protégés, soit l’une des plus vastes zones patrimoniales d’Europe.

Personnalités qui ont façonné la capitale girondine

Aliénor d’Aquitaine, la diplomatie en héritage

La duchesse, née en 1122, dote Bordeaux d’une prospérité commerciale inédite. Son action favorise les échanges de vin avec l’Angleterre. Huit siècles plus tard, 40 % des exportations viticoles régionales partent encore vers les îles Britanniques.

Michel de Montaigne, l’humaniste local

Élu maire en 1581, Montaigne introduit un esprit de tolérance religieuse. Ses Essais mentionnent « les longues colonnades du marché bordelais », preuve de son attachement à la ville.

Pierre-Paul Riquet, l’ingénieur oublié

S’il est surtout connu pour le canal du Midi, Riquet supervise en 1665 un projet avorté de dérivation de la Garonne. Son ambition annonce déjà les problématiques d’infrastructures fluviales modernes.

Simone Veil, une étape décisive

Présidente du Parlement européen, elle inaugure en 1998 l’Institut Bergonié rénové, rappelant que Bordeaux fut pionnière en cancérologie dès 1923.

D’un côté, ces figures illustrent la capacité bordelaise à rayonner bien au-delà de ses frontières ; mais de l’autre, elles soulignent aussi les contradictions entre passé glorieux et défis sociaux (logement, précarité étudiante) encore vifs aujourd’hui.

Un patrimoine vivant entre pierre blonde et ambitions futures

Un inventaire monumental dense

Les Bordelais aiment lister leurs trésors :

  • Place de la Bourse et son Miroir d’eau (le plus grand au monde : 3 450 m²).
  • Grand Théâtre (1770), chef-d’œuvre de Victor Louis, 12 colonnes corinthiennes.
  • Basilique Saint-Michel, flèche culminant à 114 mètres, deuxième clocher le plus haut de France.
  • Cité du Vin, ouverte en 2016, 450 000 visiteurs en 2023, symbole d’un œnotourisme en plein essor.
  • CAPC (Musée d’art contemporain), installé dans l’entrepôt Lainé de 1824.

Entre conservation et transition écologique

Depuis 2020, la municipalité alloue 18 % de son budget d’investissement au patrimoine bâti. Cependant, le réseau associatif alerte : 62 immeubles classés nécessitent une restauration urgente. Je me souviens d’une visite rue du Mirail ; derrière une façade rococo, un escalier menaçait ruine. Le contraste entre carte postale et réalité est parfois saisissant.

Comment Bordeaux mobilise ses racines pour préparer demain ?

La métropole bordelaise capitalise sur son passé pour innover. Les anciens chais des Chartrons abritent désormais des start-ups de la « WineTech ». La base sous-marine de Bacalan, vestige de la Seconde Guerre mondiale, est devenue lieu d’expositions immersives XXL (plus de 150 000 visiteurs en 2023).

Cette reconversion illustre un modèle : préserver les volumes historiques tout en injectant des usages culturels ou numériques. La même logique guide le projet « Horizons 2025 » qui prévoit 4 000 m² de toitures végétalisées sur les bâtiments XVIIIᵉ du quartier Saint-Pierre.

Nuancer les débats

  • Avantage : attractivité touristique et création d’emplois (près de 8 000 postes liés au patrimoine en 2023).
  • Risque : gentrification grandissante, loyers +11 % en 2022-2023, selon l’Observatoire de l’habitat.

On le voit, l’équilibre entre mémoire et modernité reste fragile.

Trois idées reçues sur l’histoire de Bordeaux (et leur réalité)

  1. « Bordeaux est seulement une ville de vin. »
    — Le port historique expédiait aussi tabac, cacao et azote pendant la Révolution industrielle.

  2. « Le Port de la Lune n’a jamais été un grand port militaire. »
    — Faux : la base sous-marine allemande, longue de 245 m, atteste d’une importance stratégique navale.

  3. « La ville n’a pas connu la Révolution française. »
    — En juin 1793, 22 députés girondins furent guillotinés à Paris, accusés de fédéralisme bordelais.


Je parcours régulièrement les quais au petit matin, lorsque la brume recouvre les mascarons sculptés. À chaque pas, je mesure combien l’héritage bordelais reste vivant, dialoguant avec les bicyclettes électriques et les food-trucks de la place des Quinconces. Si cette plongée vous a donné envie de lever davantage le voile sur les secrets de la Garonne, poursuivez le voyage au fil de nos autres dossiers : gastronomie, œnotourisme et transitions urbaines n’attendent que votre curiosité.