Bordeaux révélé: deux mille ans d’histoire jusqu’au record touristique 2023

par | Oct 31, 2025 | Tourisme

Histoire de Bordeaux : en 2023, plus de 7,4 millions de visiteurs ont arpenté les quais de la Garonne, un record absolu selon l’Office de tourisme local. Derrière ce succès se cache un passé de deux millénaires, jalonné de conquêtes romaines, d’essor colonial et de mutations urbaines spectaculaires. Dès les années 1990, les fouilles du quartier Saint-Christoly ont exhumé 5 tonnes de céramiques antiques, rappelant que la capitale girondine n’a jamais cessé de se réinventer. Explorons, chiffres à l’appui, les événements majeurs, les personnages clés et le patrimoine qui tissent la toile de cette métropole façonnée par l’histoire.

Des origines romaines au négoce colonial

Sous le nom de Burdigala, Bordeaux rejoint l’Empire romain vers 56 av. J.-C. Les géographes antiques, comme Strabon, soulignaient déjà son emplacement stratégique, au carrefour des routes maritimes et terrestres.

  • Année 310 : construction du Palais Gallien, amphithéâtre de 22 000 places.
  • Ve siècle : pillages wisigoths, puis conquête franque menée par Clovis.
  • 1154 : mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri II Plantagenêt ; Bordeaux devient un pivot des échanges anglo-gascons.
  • 1462 : création du Parlement de Bordeaux, garantissant une relative autonomie juridique jusqu’à la Révolution.

D’un côté, la Renaissance voit fleurir hôtels particuliers et chais. De l’autre, l’explosion du commerce triangulaire (XVIIᵉ-XVIIIᵉ siècles) enrichit armateurs et négociants. Le port de la Lune gère alors jusqu’à 45 % du trafic français lié au sucre et au café, selon les registres de la Douane (1738). Les quais s’ornent d’entrepôts imposants, désormais reconvertis en galeries d’art ou en restaurants — preuve tangible d’une mémoire en constante réinterprétation.

Un legs controversé

Bordeaux doit aussi regarder en face sa part d’ombre : plus de 150 navires bordelais ont pris part à la traite négrière. Aujourd’hui, la place des Quinconces accueille régulièrement des expositions mémorielles. Un choix salutaire : rappeler que la splendeur architecturale a parfois reposé sur l’exploitation d’autrui.

Pourquoi Bordeaux est-elle surnommée « la Belle Endormie » ?

L’expression apparaît dans la presse locale vers 1950, alors que la ville vivait un certain déclin industriel.

Qu’est-ce que ce surnom signifie ?
Il illustre la coexistence d’un patrimoine monumental préservé et d’une économie stagnante. Durant les Trente Glorieuses, Bordeaux ne bénéficiait pas de la même vigueur que Toulouse (aéronautique) ou Nantes (agroalimentaire). Entre 1960 et 1990, la population intra-muros chutait de 30 % (de 300 000 à 210 000 habitants). Les façades noircies par la pollution renforçaient cette image de ville figée dans le passé.

Comment la métropole s’est-elle réveillée ?
• 1995 : élection d’Alain Juppé, lancement d’un grand plan de restauration (560 bâtiments ravalés).
• 2003 : arrivée du tramway, désengorgement du centre historique.
• 2007 : inscription du Port de la Lune au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
• 2024 : inauguration attendue de la Cité du Vin 2.0, extension immersive estimée à 60 millions d’euros (chiffre validé par Bordeaux Métropole).

Ces chantiers ont dopé l’attractivité : en 2022, l’INSEE dénombrait 796 000 habitants dans l’aire urbaine, soit +11 % en dix ans — le plus fort taux de croissance démographique parmi les grandes villes littorales françaises.

Personnages qui ont façonné la cité girondine

Simon de Montfort, le bâtisseur croisé

Ce seigneur angevin, gouverneur d’Aquitaine (1212-1214), ordonne la première enceinte médiévale. Son empreinte subsiste dans la toponymie — la porte de la Monnaie occupe l’emplacement d’une ancienne tour défensive.

Montesquieu, plume et juriste

Né au château de la Brède (1689), l’auteur de « De l’esprit des lois » siège au Parlement de Bordeaux. Son combat pour la séparation des pouvoirs inspire toujours les étudiants de la faculté de droit, installée quai des Chartons.

Rosa Bonheur, l’inattendue

Si Paris revendique son aura, la peintre animalière majeure du XIXᵉ siècle effectue sa toute première exposition au musée des Beaux-Arts de Bordeaux, en 1849. Une étape décisive avant la médaille d’or du Salon.

Jacques Chaban-Delmas, architecte du renouveau d’après-guerre

Maire durant 47 ans (1947-1995), il modernise les infrastructures, fait édifier le pont d’Aquitaine (1967) et l’aéroport de Mérignac. Sa longévité politique a marqué les esprits, même si certains pointent un manque d’audace culturelle durant la seconde moitié de son mandat.

Comment préserver un patrimoine en mutation ?

La tension immobilière, les enjeux climatiques et la pression touristique interrogent la durabilité de la mémoire bordelaise.

  1. Plan climat 2024-2034 : objectif neutralité carbone pour le centre ancien, via isolation de 15 000 logements haussmanniens.
  2. Développement des friches portuaires : la base sous-marine de Bacalan devient pôle d’art numérique (Les Bassins des Lumières), attirant 600 000 visiteurs en 2023.
  3. Vignes urbaines : 3 hectares plantés entre les quartiers Saint-Jean et Bastide, symbole d’un retour aux racines viticoles (initiative portée par l’INRAE).

D’un côté, la réhabilitation dynamise l’économie locale. Mais de l’autre, la hausse des loyers (+38 % entre 2015 et 2023, selon le baromètre LPI-SeLoger) menace la mixité sociale. L’équilibre reste fragile : protéger les pierres sans fossiliser la vie qui les anime.

Zoom sur la tour Pey-Berland

Haut de 66 mètres, ce clocher du XVe siècle offre un panorama sur la Garonne. La campagne de restauration 2021-2024 (budget : 7,8 millions d’euros) a permis d’installer un escalier métallique discret, répondant aux normes d’accessibilité sans altérer la pierre blonde. Un compromis technique souvent cité dans les colloques internationaux sur la conservation.

Faut-il encore parler de « Nouveau Bordeaux » ?

Certains urbanistes préfèrent le terme « Bordeaux métamorphosée ». Je garde en mémoire mon premier reportage dans le quartier des Chartrons, en 2004 : des hangars désaffectés, un seul café ouvert le soir. Vingt ans plus tard, un festival de street art, des micro-brasseries et la plus forte concentration de galeries d’Aquitaine cohabitent avec les antiquaires historiques. Cette juxtaposition raconte mieux que tout discours la capacité bordelaise à mêler passé et futur.

Un journaliste m’a soufflé un jour : « Ici, les pavés parlent latin mais rêvent en 4K ». Une image un brin poétique, certes, mais qui résume la dualité de la ville : racines profondes, ambitions high-tech (laser-médecine, e-commerce viticole, smart port). Chaque pierre lavée, chaque entrepôt réhabilité participe à cette narration collective où le vin côtoie la data.


En te promenant quai des Chartrons ou sous les voûtes du Grand-Théâtre, prête attention aux détails : un mascaron souriant, une plaque commémorative à peine visible, le reflet doré de la pierre de Saint-Émilion au soleil couchant. Ces signes discrets racontent une histoire de Bordeaux toujours en construction. Si, comme moi, tu t’enthousiasmes pour les coulisses patrimoniales ou les anecdotes sur les grands chantiers à venir, garde l’œil ouvert ; la prochaine balade urbain-historique pourrait bien changer ton regard sur la Belle — désormais bien éveillée.