Histoire de Bordeaux : en 2023, la Cité du Vin a accueilli plus d’un million de visiteurs, soit +27 % par rapport à 2022. Cette vitalité touristique s’appuie sur deux millénaires de rebondissements, d’Aliénor d’Aquitaine à l’inscription du Port de la Lune à l’UNESCO. En retraçant les faits marquants, cet article dévoile comment la capitale girondine s’est forgée une identité singulière, oscillant entre commerce, culture et audace urbaine. Accrochez-vous : les pierres blondes de Bordeaux murmurent encore des récits palpitants.
Chronologie des tournants décisifs
De la cité romaine à l’essor médiéval
Fondée sous le nom de Burdigala vers 56 av. J.-C., la ville devient rapidement un carrefour commercial grâce au fleuve Garonne. Les fouilles de la place de la Bourse (campagne 2019-2021) ont révélé un amphithéâtre de 20 000 places, preuve de sa stature dans la Gaule romaine. Après l’effondrement impérial, le royaume wisigoth puis les Francs façonnent le territoire.
En 1137, le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt hisse Bordeaux au rang de capitale d’un empire s’étendant de l’Écosse aux Pyrénées. Les quais s’animent ; le vin – déjà – circule massivement vers l’Angleterre. Mon coup de cœur personnel : flâner rue Saint-James, où l’on devine encore les arcades médiévales, écho discret des marchands du XIIᵉ siècle.
Siècle des Lumières et commerce atlantique
18 % des riches négociants bordelais du XVIIIᵉ siècle étaient liés directement ou indirectement à la traite négrière (chiffres de l’historien Jean Mettas, révisés en 2022). D’un côté, les fortunes s’érigent sur le commerce tri-angulaire ; de l’autre, Montesquieu fustige l’esclavage dans L’Esprit des lois (1748). Cette tension morale irrigue toujours les débats mémoriels actuels.
Entre 1730 et 1780, l’architecte Ange-Jacques Gabriel redessine les façades classiques : place Royale (future place de la Bourse), Grand-Théâtre, cours du Chapeau-Rouge. La population triple pour atteindre 110 000 habitants avant 1789, faisant de Bordeaux la deuxième ville du royaume derrière Paris.
Pourquoi la Révolution a-t-elle transformé Bordeaux ?
La question revient souvent dans les archives de consultation en ligne : « Comment la Révolution a changé Bordeaux ? » Voici les faits essentiels.
- 1790 : le port perd plusieurs marchés coloniaux, chutant de 30 % en tonnage dès 1793.
- 1793-1794 : la « Gironde » fédéraliste est décapitée ; 22 députés bordelais sont guillotinés à Paris.
- 1799 : l’ouverture du canal latéral à la Garonne compense partiellement la perte commerciale.
En clair, la période 1790-1800 marque une bascule : Bordeaux passe d’un hub colonial à une place industrielle embryonnaire. D’un côté, la bourgeoisie négociante se replie sur la viticulture ; mais de l’autre, les réseaux bancaires locaux (famille Barton, maison Feger) préfigurent le capitalisme régional du XIXᵉ siècle.
Qu’est-ce que la « Croix du Palais » ?
Édicule révolutionnaire érigé en 1792 place de la Bourse, la Croix du Palais symbolisait la justice populaire. Détruite en 1804, elle demeure un jalon de la mémoire urbaine. Aujourd’hui, une plaque discrète rappelle son emplacement, souvent ignoré des passants.
Personnalités emblématiques et héritage vivant
- Michel de Montaigne : maire de Bordeaux (1553-1554), il rédige une partie des Essais au cœur du vieux hôtel de ville.
- Francisco Goya : réfugié politique, le peintre passe ses derniers jours quai des Chartrons (1828). Son buste, inauguré en 2021, attire les amateurs d’art ibérique.
- Jacques Chaban-Delmas : maire de 1947 à 1995, il modernise les infrastructures, crée le pont d’Aquitaine (1967) et pose les bases du réseau tramway relancé en 2003.
À titre personnel, l’œuvre de Chaban me frappe : il a su conjuguer architecture 1960 et préservation patrimoniale, un équilibre encore envié par d’autres métropoles hexagonales.
Le patrimoine bâti, un livre à ciel ouvert
Unesco, Port de la Lune et reconversion contemporaine
Depuis 2007, 1810 hectares inscrits au Patrimoine mondial accueillent 350 000 résidents (données municipales 2024). Le label a dopé les rénovations, mais aussi fait grimper les loyers de 22 % en dix ans. Les débats sont vifs : faut-il limiter la spéculation ? Ma propre observation de terrain montre une gentrification palpable autour de la place Saint-Michel, autrefois populaire.
Liste flash des monuments incontournables :
- La porte Cailhau (1495), arc triomphal déguisé.
- Le Grand-Théâtre (1770), chef-d’œuvre néo-classique aux douze muses.
- La base sous-marine, blockhaus de 1943, reconvertie en centre d’art numérique (ouverture 2020).
- Le pont Jacques-Chaban-Delmas, plus grand pont levant d’Europe (hauteur 77 m), mis en service en 2013.
Patrimoine industriel et mémoire ouvrière
Les anciens chais des Chartrons abritent aujourd’hui galeries et concept-stores. D’un côté, cet essor créatif dynamise les quais ; de l’autre, il efface la mémoire ouvrière liée au vin et à la métallurgie (usine Fives-Lille). Les associations, comme Mémoire & Patrimoine Bordeaux, militent pour une signalétique historique plus explicite depuis leur rapport 2024.
Une histoire en mouvement, un futur à construire
L’histoire de Bordeaux n’est ni figée ni muséifiée. Le projet Euratlantique, 738 hectares réhabilités autour de la gare Saint-Jean, prévoit 50 000 emplois et 30 000 nouveaux habitants à l’horizon 2030. Pourtant, la municipalité écologiste actuelle insiste sur la sobriété foncière, illustrant une nouvelle dialectique : développer sans trahir l’âme de la pierre blonde.
J’y reviens souvent, carnet à la main, pour scruter les strates du temps : la façade XVIIIᵉ voisine une muraille romaine, puis un street-art futuriste. Chaque promenade rappelle que découvrir Bordeaux, c’est feuilleter un manuscrit géant, où chaque page pose la même question : quel chapitre écrirons-nous demain ?
