Bordeaux, vingt siècles de ruptures forgent la capitale aquitaine mythique

par | Oct 16, 2025 | Tourisme

Histoire de Bordeaux : une capitale d’Aquitaine forgée par vingt siècles de ruptures

En 2023, Bordeaux a accueilli près de 7 millions de visiteurs, soit +12 % par rapport à 2022, selon l’Office métropolitain de tourisme. Cette attractivité record témoigne de la fascination que suscite la ville de pierre dont l’empreinte remonte à l’Antiquité. Dans les lignes qui suivent, je vous propose un voyage documenté et rigoureux à travers les événements majeurs, les figures influentes et le patrimoine unique qui composent l’ADN bordelais.


Des origines gallo-romaines à la puissance médiévale

Fondée vers 56 av. J.-C. sous le nom de Burdigala, la cité profite rapidement d’un double atout : un port naturel sur la Garonne et une situation stratégique sur la voie d’Aquitaine. Les fouilles de la place Camille-Jullian ont livré, dès 1969, des vestiges d’un amphithéâtre pouvant accueillir 20 000 spectateurs – l’un des plus grands de Gaule.

Au Moyen Âge, le mariage (1137) d’Aliénor d’Aquitaine avec le futur roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt fait basculer la ville dans l’orbite anglaise pour trois siècles. Résultat : un essor fulgurant du commerce du vin. Dès 1306, le « privilège des vins » accorde priorité d’embarquement aux barriques bordelaises, générant une première prospérité attestée par des registres de tonnellerie.

L’influence des grands personnages

  • Aliénor d’Aquitaine : mécène, garante du rayonnement littéraire occitan.
  • Michel de Montaigne (1533-1592) : maire de la ville en 1581, philosophe humaniste aux « Essais » toujours cités.
  • Jacques Chaban-Delmas : maire de 1947 à 1995, bâtisseur d’équipements majeurs (Mériadeck, Pont d’Aquitaine).

Pourquoi Bordeaux est-elle devenue un centre commercial majeur ?

La réponse tient à trois facteurs convergents :

  1. Un terroir viticole d’exception
    Les graves filtrantes de la rive gauche et l’argilo-calcaire de la rive droite favorisent des crus iconiques – Château Haut-Brion est cité dès 1521.

  2. Une géographie portuaire idéale
    La Garonne relie l’Atlantique aux terres intérieures, permettant dès le XVIᵉ siècle l’export rapide de cargaisons vers Londres ou Amsterdam.

  3. Des politiques fiscales attractives
    Sous Louis XV, l’intendant Tourny réduit les droits de douane, installe les allées de Tourny et rationalise l’urbanisme. En 1770, les volumes exportés dépassent 100 000 tonneaux.

D’un côté, cette réussite nourrit l’urbanisme classique : façades blondes de la Place de la Bourse (1730-1775). Mais de l’autre, elle s’adosse aussi à la traite négrière : près de 480 expéditions selon la base Trafic (Université de Nantes). Cette dualité continue de nourrir les débats mémoriels contemporains.


Du XVIIIᵉ siècle à la Révolution : âge d’or et zones d’ombre

Le XVIIIᵉ siècle marque l’« âge d’or bordelais ». Les architectes Ange-Jacques Gabriel et Victor Louis sculptent un ensemble urbain harmonieux, parfois surnommé le « petit Versailles des quais ». On chiffre à 5 000 le nombre d’immeubles érigés entre 1700 et 1800.

En 1790, la ville compte 110 000 habitants – le triple du siècle précédent. Pourtant, la Révolution bouleverse l’équilibre : en 1794, 300 Girondins sont proscrits pour « fédéralisme ». Ce passé politisé rejaillit aujourd’hui, alors que la municipalité prévoit, en 2024, une exposition sur les « Voies de la Liberté » dans l’ancienne prison du Fort du Hâ.


Un patrimoine vivant entre tradition et innovation

Depuis l’inscription du Port de la Lune au patrimoine mondial de l’UNESCO (2007), Bordeaux affiche un taux de rénovation immobilière historique : 60 % des façades classées ont été nettoyées entre 2010 et 2023. L’ancienne base sous-marine de Bacalan a été transformée en lieu d’art numérique (« Bassins des Lumières ») accueillant 1,2 million de visiteurs en 2023.

Monuments incontournables

  • Cathédrale Saint-André, gothique du XIIᵉ siècle.
  • Grand Théâtre, chef-d’œuvre néo-classique, inauguré en 1780.
  • Pont Chaban-Delmas, plus grand pont levant d’Europe (110 m de travée mobile).

Héritage et nouvelles dynamiques

D’un côté, les caves voûtées du XVIIIᵉ siècle abritent encore des barriques de merlot. De l’autre, la Cité du Vin explore, depuis 2016, l’œnotourisme interactif, connectant l’histoire locale aux enjeux climatiques mondiaux. Les start-up de la French Tech Bordeaux (280 recensées en 2023) investissent les friches portuaires, symbole d’une métropole qui conjugue passé et futur.


Qu’est-ce que le « Plan Bordeaux 2030 » et pourquoi suscite-t-il l’attention ?

Le Plan Bordeaux 2030, adopté en conseil municipal en mars 2024, vise à concilier préservation patrimoniale et transition écologique. Ses objectifs chiffrés :

  • Réduire de 40 % les émissions de CO₂ dans l’hyper-centre.
  • Végétaliser 100 hectares supplémentaires, dont les berges Chartrons-Bassins.
  • Restaurer 25 monuments classés, notamment la Grosse Cloche (XIIIᵉ siècle).

Cette stratégie illustre une tension : comment densifier l’offre de logements tout en protégeant un tissu urbain inscrit à l’UNESCO ? Les urbanistes évoquent déjà un « laboratoire européen » d’intégration patrimoniale, attirant l’attention de villes comme Bruges ou Florence.


Regards personnels sur un passé en mouvement

À chaque reportage, je suis frappée par la manière dont les Bordelais vivent leur passé : ni figé, ni idéalisé. Rue Saint-James, un torréfacteur du XIXᵉ siècle propose aujourd’hui un café issu du commerce équitable – clin d’œil appuyé à l’héritage marchand tout en lui opposant une éthique contemporaine. Lors des Journées du Patrimoine 2023, j’ai suivi une visite guidée entre le cloître de l’église Sainte-Croix et les hangars réhabilités des quais : un même fil rouge, la pierre blonde, mais deux récits urbains diamétralement opposés. Cette polychromie historique constitue, à mes yeux, la plus grande richesse de la cité.


La chronique bordelaise est un palimpseste : amphithéâtre gallo-romain, citadelle médiévale, places classiques, friches numériques. Au-delà de la simple carte postale, ses strates racontent notre rapport au temps et aux enjeux actuels – vin, développement durable, innovation culturelle. Poursuivez votre exploration : le passé, à Bordeaux, se lit aussi bien dans une cave voûtée que dans le reflet d’une façade du XVIIIᵉ choisissant le ciel contemporain pour miroir.