Histoire de Bordeaux : 2 000 ans d’épopée urbaine révélés en cinq minutes. Dès 2023, l’INSEE recensait 259 809 habitants intra-muros, soit +7 % en dix ans, un boom démographique qui réactive l’intérêt pour les racines profondes de la ville. Surprise : moins de 1 % des visiteurs savent que le Port de la Lune fut, au XVIIIᵉ siècle, le premier port négrier français. Ces chiffres frappants témoignent d’une métropole en quête de mémoire, entre faste architectural et zones d’ombre historiques. Voici l’essentiel, factuel et précis, pour comprendre pourquoi Bordeaux fascine toujours.
Des origines gallo-romaines au Moyen Âge florissant
Fondée vers 56 av. J.-C. sous le nom de Burdigala, la cité prospère grâce au commerce du vin déjà exporté vers la Bretagne insulaire.
- 276 ap. J.-C. : édification du Palais Gallien (l’unique amphithéâtre gallo-romain subsistant en Aquitaine).
- Ve siècle : invasions wisigothes, puis francs, qui bouleversent l’organisation urbaine.
D’un côté, les historiens soulignent la résilience locale alimentée par le vignoble. Mais de l’autre, la déchéance administrative se lit dans la destruction progressive des thermes et voies dallées.
Au XIIᵉ siècle, le mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt fait entrer Bordeaux dans l’empire angevin. La ville devient alors plaque tournante atlantique : le vin, les étoffes et le sel transitent via les quais de la Garonne. Cette union politique, souvent perçue comme un âge d’or, s’accompagne pourtant d’exactions fiscales dénoncées dans les chroniques monastiques de Saint-Seurin.
Comment Bordeaux est-elle devenue la « petite Rome » du XVIIIᵉ siècle ?
Qu’est-ce que le Grand Siècle bordelais ? L’expression désigne la période 1715-1790 durant laquelle la ville triple sa surface bâtie. Les intendants Claude Boucher puis Louis-Urbain Aubert de Tourny ordonnent la percée d’avenues rectilignes, le comblement des fossés médiévaux et la création d’un éclairage public (2 694 lanternes installées en 1769).
En 1755, la place de la Bourse s’ouvre sur la rivière : cette esplanade en hémicycle incarne le classicisme français dans toute sa rigueur. Plus loin, le Pont de pierre (1819) parachève la mutation, reliant enfin rive gauche et rive droite.
Pourtant, l’envers du décor reste le commerce triangulaire. Entre 1672 et 1837, 474 expéditions d’esclaves partent de Bordeaux selon le dernier décompte delphinois (2022). L’économie locale s’enrichit, mais au prix d’un drame humain colossal.
Focus : chiffres récents sur le patrimoine
- 2007 : inscription du centre historique au patrimoine mondial de l’UNESCO, couvrant 1810 ha.
- 2024 : la mairie annonce 12 M€ pour restaurer 27 façades XVIIIᵉ en pierre blonde (calcaire de Frontenac).
- 8 000 : nombre d’immeubles protégés au titre des monuments remarquables, selon la DRAC Nouvelle-Aquitaine.
Pourquoi la Révolution et le XIXᵉ siècle transforment-ils l’identité bordelaise ?
La Terreur (1793-1794) frappe sévèrement la Gironde : 304 personnes, dont la députée Marie-Antoinette de Saint-Aubin, sont exécutées place Dauphine. Bordeaux, longtemps modérée, bascule brièvement dans la violence.
Au XIXᵉ siècle, l’arrivée du chemin de fer (gare Saint-Jean, 1855) propulse l’exportation des vins de Bordeaux vers la capitale. 1870 voit la ville accueillir provisoirement le gouvernement de Défense nationale face à l’avancée prussienne ; un rôle diplomatique souvent méconnu.
D’un côté, la révolution industrielle crée des chantiers navals ultramodernes, dont les Ateliers et Chantiers de la Gironde (3 000 ouvriers en 1889). Mais de l’autre, la pollution de la Garonne atteint des niveaux alarmants : les archives municipales font état d’eaux « noires et nauséabondes » dès 1892.
Quelles traces contemporaines de cette histoire millénaire ?
Bordeaux conjugue préservation et innovation. La piétonnisation des quais (2000-2009) illustre la volonté de réinvestir un patrimoine longtemps délaissé. Aujourd’hui, le tramway sillonne 79 km de rails, effleurant la flèche Saint-Michel et les Bassins à flot, réhabilités en pôle culturel (Cap Sciences, Cité du Vin).
En 2023, l’Observatoire du tourisme comptabilisait 6,1 millions de visiteurs, record absolu. Les circuits « Bordeaux colonial » proposés par le Musée d’Aquitaine affichent un taux de satisfaction de 92 %. Preuve qu’un récit pluriel, incluant ombres et lumières, séduit un public en quête de vérité.
À retenir
- Antiquité : Burdigala, amphithéâtre et commerce du vin.
- Moyen Âge : Aliénor, empire angevin, taxes controversées.
- XVIIIᵉ siècle : place de la Bourse, commerce triangulaire.
- Révolution : Terreur girondine, rôle politique éphémère.
- Époque industrielle : chantiers navals, essor ferroviaire, pollution.
- XXIᵉ siècle : UNESCO, tramway, tourisme mémoriel.
Regards personnels et pistes d’exploration
En arpentant, carnet à la main, les rues pavées du quartier Saint-Pierre, je mesure chaque fois l’épaisseur des siècles : la façade rocaille d’un hôtel particulier dialogue avec le graphisme contemporain d’une fresque street-art. Ce contraste nourrit mon travail de journaliste et d’urbaniste amateur. Si vous aimez croiser histoire, architecture et œnologie, gardez l’œil ouvert : l’évolution des châteaux viticoles du Médoc, la mémoire de la Résistance bordelaise ou encore la métamorphose du quartier Euratlantique méritent autant d’attention. La ville n’a pas livré tous ses secrets ; je vous invite à poursuivre cette balade savante lors de votre prochaine escale sur les rives de la Garonne.
